Le général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées, a adressé le 27 mars 2017 une brève lettre à ses soldats dans laquelle la clairvoyance s'allie au courage et à l'espérance.
Ce texte a été publié sur la page Facebook officielle du CEMA.
Mon cher camarade,
Je vous écris ces quelques mots depuis l’Australie où je rencontre, en ce moment même, nos homologues militaires. Chaque semaine, des signaux, venus des cinq continents, accréditent l’idée d’une dégradation sécuritaire. Le monde semble, chaque jour, plus instable et plus incertain. Ici, à l’autre bout du monde, je le mesure tout autant. L’évolution n’a pas pu vous échapper ; vous êtes – ou vous serez bientôt – en première ligne.
Nul ne peut dire précisément, aujourd’hui, comment la situation évoluera demain. Le brouillard de la guerre s’épaissit. Le pire n’est pas certain, mais tout devient possible en raison de l’expansion du terrorisme islamiste radical et du comportement belliciste de certains Etats-puissance.
Ces deux types de menaces sont distincts, mais non disjoints. Dans les deux cas, les stratégies reposent sur l’imprévisibilité, l’intimidation et le fait accompli. Dans les deux cas, la conflictualité sort du seul champ physique pour se porter massivement sur le champ virtuel de l’information et du cyber. Dans les deux cas, l’élévation du niveau d’agression passe par la prolifération, les trafics d’armes ou le réarmement.
Car le monde réarme. Deux exemples simplement : l’Asie consacre, cette année, 100 milliards de dollars de plus que l’Europe à sa défense. De l’autre côté du Pacifique, les Etats-Unis projettent d’augmenter leur budget de 9% pour atteindre 639 milliards de dollars, en 2018.
Tout nous indique que nous avons changé d’époque. La France et, plus largement, le continent européen ne sont plus totalement préservés des crises, qui traversent un monde désormais ouvert et globalisé. Nous sommes entrés dans le temps du courage. Nous avons le devoir de regarder la réalité en face ; sans la noircir, ni l’exagérer mais avec le souci de l’exactitude et de la lucidité. C’est le retour de l’histoire.
Je le dis, à temps et à contretemps : face à ces menaces, notre modèle d’armée complet est la meilleure garantie de protection de la France et des Français.
Mais il y a une autre garantie, plus importante encore ? Cette garantie, nous l’avons en nous. C’est notre courage ; notre espérance ; notre sens du service ; nos valeurs.Vous le savez, les temps difficiles permettent souvent aux hommes, comme aux nations de développer ce qu’ils ont de meilleur. C’est le cas aujourd’hui. J’y vois une opportunité.
Sur ce plan, je voudrais terminer sur deux recommandations. Ce sont les deux attitudes à opposer, en priorité, à ces menaces. Etre vigilant, d’abord, pour ne pas être pris, à revers, par surprise. Garder l’œil ouvert. Veiller, ce qui signifie à la fois « rester éveillé » et « protéger ».Etre unis, surtout, car les menaces se nourrissent de la discorde. Elles prolifèrent sur le terreau de la division. Opposons à ces menaces notre unité, notre force, notre cohésion. Il n’y a rien de plus dissuasif !
Comme annoncé précédemment, je vous parlerai, dans ma prochaine lettre, des missions qui évidemment découlent des menaces.
Fraternellement,
Général d’armée Pierre de Villiers