Nous avons la grande tristesse de vous faire part du décès du médecin-chef honoraire du service santé des Armées Étienne GUIBAL, survenu le 11 janvier 2023 dans sa 100e année.
La cérémonie religieuse a été célébrée le 16 janvier, en la basilique Notre-Dame-des-Tables, suivie de l'inhumation au cimetière Saint-Lazare à Montpellier.
La famille remercie ses infirmièr(e)s, Anuta, Audrey, Barbara et Thomas, ses kinésithérapeutes Maxence et Dyane, ainsi que Nathalie HESSE d'ALZON et Ulysse pour leur dévouement, leur gentillesse et l'affection dont ils l'ont entouré.
Hommage au médecin en chef Étienne GUIBAL
Étienne est décédé le 11 janvier 2023 dans la sérénité familiale à son domicile, 12 rue de la Salle l’Évêque dans l’Écusson de Montpellier où il était né presque cent ans auparavant. Quelle vie !
Fils ainé d’une fratrie de huit enfants, du professeur André Guibal et de Suzanne née Castelnau.
Après ses études secondaires au lycée de garçons du boulevard Bonnes Nouvelles à Montpellier, dans un environnement d’éducation exigeante : scoutisme, sport, valeurs chrétiennes et humanistes, il se dirige vers des études de médecine et suit son PCB (physique-chimie-biologie) et sa première année de fac à Montpellier jusqu’en 1943. Études interrompues, appel pour servir dans les Chantiers de jeunesse, puis médecin auxiliaire en 1945 et affecté au 6e bataillon de chasseurs alpins stationné à Bludenz en Autriche.
Il reprend ses études de médecine à l’École de santé navale de Bordeaux jusqu’en 1948 où il soutient avec brio sa thèse.
Après un court passage comme médecin major sur l’aviso "La Boudeuse" à Bizerte, il est désigné pour l’Indochine.
De 1948 à 1950, il participe aux patrouilles maritimes sur tout le territoire de Saigon à la Baie d’Along en passant par Tourane. Il y connaitra la cruelle perte de son frère Jean de un an son cadet, mort pour la France sur ce territoire.
A son retour, il est affecté en Tunisie, comme médecin adjoint à l’arsenal de la marine à Ferryville. Il fait un court break pour se marier en avril 1953 avec Fanny, famille d’officiers de marine, à Saint-Louis des Invalides (pas n’importe où) et il repart pour la base aéronavale de Karouba (Bizerte).
Il est désigné comme stagiaire pour suivre une formation spécialisée à l’École de médecine aéronautique de Pensacola en Floride (USA) en 1954 et à son retour, il enchainera les affectations sur les bases aéronavales de Khourigba (Maroc), Hyères, Saint-Raphaël et Nîmes-Garons. Il y obtiendra même un brevet de pilote privé.
Il terminera sa carrière militaire comme médecin-anesthésiste à l’hôpital de la marine à Lorient en 1972.
Étienne ne va pas pour autant s’arrêter de travailler et il sera médecin-anesthésiste à la clinique de Ganges (Hérault) pendant huit ans puis médecin du travail à l’aéroport de Fréjorgues et enfin médecin-expert auprès de la Cour d’appel et de compagnies d’assurances.
Il cessera toute activité professionnelle en 1992.
Inlassable serviteur de son prochain, le docteur Guibal continuera bénévolement son action auprès des malades, il sera aumônier du Centre Antonin Balmès et participera même à la Banque alimentaire de l’Hérault.
Parallèlement à toutes ces activités, il ne manquera jamais une commémoration en hommage aux soldats tués au combat et notamment à la cérémonie organisée à la faculté de médecine de Montpellier où le doyen lui demandera de témoigner en prenant la parole le 12 novembre 2019.
Voici son discours, suivi de la photo prise à l’occasion au milieu des médecins militaires en retraite de l’ANOCR :
"Dans les premiers jours de novembre 1942, je traversai pour la première fois ce vénérable Atrium pour aller assister au cours d’anatomie de 1ère année.
Voici que 77 ans plus tard, j’ai l’honneur de me trouver avec vous pour rendre hommage aux anciens élèves de notre Faculté, morts pour la France au cours des guerres de 14-18, 39-45 et des théâtres d’opérations extérieures qui ont marqué le 20e siècle.
En août 1914, dès le début de la guerre, l’offensive allemande sur nos frontières du nord bouscula notre armée qui dut se replier sur la Marne où elle réussit à stopper l’avance ennemie vers Paris. Cette bataille nous coûta des pertes très importantes en tués et en blessés. Le Service de santé des armées fut rapidement débordé et dut faire appel à des médecins de plus en plus jeunes. La plupart de ceux qui figurent sur cette plaque, chers étudiants, avaient votre âge. Ils étaient élèves de 3e, 4e et 5e année. Leur jeune âge et leur manque d’expérience ne les destinaient pas aux hôpitaux de l’arrière mais aux postes de secours de l’avant.
Après une rapide formation, ils se retrouvaient médecins de bataillon sur la ligne de front. Après l’attaque, ils sortaient de la tranchée et, avec leur équipe de brancardiers et, comme seule arme, leur brassard à croix rouge, il fallait ramasser les blessés, leur donner les soins d’urgence, assurer leur transport vers l’arrière, enterrer les morts. Ceux qui revinrent étaient généralement décorés de la croix de guerre, certains-mêmes de la médaille militaire, "l’insigne des braves" disait Joffre. Ils reprirent modestement leurs études qui en 4e, qui en 3e, qui même en 2e année… Mon père fut de ceux-là.
Tournons-nous maintenant vers la 2e plaque commémorative.
Le hasard de l’histoire a voulu que 20 ans après les pères qui avaient souhaité que leur guerre fut la "der des ders", les fils soient mobilisés en septembre 1939 pour faire la suivante… Elle fut de courte durée : notre armée fut submergée par les blindés ennemis et dut demander l’armistice. La France fut occupée. Mais nos forces se reconstituent en Afrique et en métropole les réseaux de résistance agissent efficacement. Notre nouvelle armée débarque en Normandie et en Provence et se trouve parmi les vainqueurs qui signent la paix le 8 mai 1945. Un an après, commencent les opérations extérieures en Indochine puis en Algérie.
Permettez-moi d’évoquer ici la mémoire de mon frère tué au combat en Indochine à 25 ans.
Enfin, en terminant, je tiens à saluer la mémoire de mes camarades de l’Ecole de Santé Navale qui, rappelons-le, fut accueillie par la Faculté de Médecine de Montpellier de 1940 à 1943 pendant l’occupation. Leurs noms figurent dans toutes les colonnes de cette plaque.
Sans oublier le dernier en date, le médecin capitaine Laycuras, mortellement blessé en opération au Mali, il y a six mois, héritier des traditions de l’École et fidèle à sa devise : "Sur mer et au-delà des mers, toujours être utiles aux hommes".
Hommage rendu par les quatre enfants Martine, Jean, Nathalie et Yves lors de la célébration en l’église Notre-Dame des Tables (Montpellier) le 16 janvier 2023
PAPA
Un humaniste cultivé. Un pèlerin au pas léger. Un gentleman aux yeux rieurs. Au sourire toujours bienveillant. Éternel jeune homme. Spirituel et joyeux. Optimiste distingué. Patriarche attentif. Chacun d’entre nous peut laisser déployer en lui ces différentes formules et les enrichir des mille et une impressions laissées au contact d’une personnalité au charisme si rare et précieux.
« Si la vie n’est qu’un passage au moins semons des fleurs » disait Montaigne. Papa : Vivre Aimer Croire, ce sont les principales fleurs écloses de votre jardin extraordinaire.
Vivre. Vous avez eu une vie exceptionnellement longue et bien remplie. Peut-être une vie pour deux en fidélité à votre très proche frère Jean, notre oncle Jeannot, mort au combat en Indochine en pleine jeunesse. Vous avez vécu pour deux. Et l’oncle que nous ne connaissons pas, auquel nous pensons parfois, est avec vous, avec nous aujourd’hui. « Pro patria et humanitate » est la devise de l’École de santé des armées dont vous avez été l’élève. Ce fut aussi la Votre. Au service de tous. Quels qu’ils soient. Et dans le respect de cet idéal vous avez toujours gardé le cap de l’espoir, du sourire, de l’humour, de l’espérance… « La petite espérance, celle qui se lève tous les matins ».
Papa vous êtes dans la vie comme le frère Luc, moine de Tibhirine, médecin, qui, alors que chacun est hésitant, indécis, apeuré, va chercher une bonne bouteille, met de la musique, éclaire le chemin et fait avancer. Votre humour fait avancer. C’est un sourire en mouvement. Une posture dynamique et subtile, ce petit décalage spirituel qui allège, qui soulève et qui donne aux choses et aux actes le relief qui les rend compréhensibles et aimables. Votre humour est parfois débridé, carabin, parfois contenu, issu du double héritage GUIBAL et CASTLNAU. Il fait tomber les barrières. Toutes les composantes de la famille, tous vos amis l’apprécient. Il peut aussi dérouter le néophyte : à l’annonce du diagnostic de la maladie qui vient de vous rendre aveugle à 95 % vous observez: « …Maladie de Horton : c’est distingué ».
Aimer. Presque 70 années d’amour pour maman, à vos côtés du début de votre union jusqu’à l’ultime souffle. Un amour qui vous a apporté tant de bonheur, sur plusieurs continents, en différentes époques, en se regardant parfois mais, surtout, en regardant ensemble dans la même direction aux moments de vérité. Vous avez aimé l’exemple d’André et Suzanne vos parents. Leur capacité à résister et se redresser vous a toujours inspiré. Vous avez aimé la famille dans toutes ses composantes. Vos amis aussi, randonneurs, « poètes renaissants », d’associations paroissiales, militaires, caritatives. Et vous avez aimé transmettre. Transmettre et faire en sorte de n’être jamais absent même lorsque l’on n’est plus là. L’Amour, la Loi, les Œuvres : des piliers profonds qui permettent de vivre mieux. Dans le sillage que vous laissez, chacun pourra voir la richesse des fonds marins ou le reflet du ciel azur. Un héritage qui ne se possède ni ne se vend mais qui se partage et fait vivre. Car, comme dit le poète :« Nous sommes comme l’arbre, plus nous avons de racines et plus nous ouvrons les bras. » Nos racines qui sont au ciel : familles, nos chères familles, GUIBAL, COFFINIÈRES, CASTELNAU, MAZE, GAY, EMBRY, BELGODÈRE, CALVET, CONSTANS… Mais aussi RUYSSEN et DUVAL. ROSSIGNOL, LOUPY, DUFOIX, MAILLET. Une pensée émue pour vos parents, vos frères et sœurs et tous ceux qui vont ont précédé.
Croire. Une Foi œcuménique sobre et tenace influencée par la ferveur catholique de bon papa André et la mesure protestante de bonne maman Suzanne. « On ne se signe pas en se démettant l’épaule » mais on se signe quand même. Une foi fidèle et vivante, faite parfois d’agacements salutaires, qui donne le vrai cap, signale les balises, indique l’entrée du port. De jour comme de nuit. Ces derniers jours vous disiez que les vents de la haute mer ne vous attiraient plus et vous formuliez le vœu de retourner à la lumière d’Ithaque, à la vérité, la pureté originelle, où tout commence et tout se termine, entouré de l’affection et de la reconnaissance infinie de tous les vôtres. La lumière que vous portez maintenant en rentrant au port éclaire ceux qui en sortent. On discerne mieux les lumières de Jérusalem, Athènes et Rome. Les uns avancent, espèrent. Vous demeurez, attendez. Personne n’est pressé. Les uns ont la vie, une vie que votre exemple aura rendue meilleure. Vous avez l’éternité. Papa vous n’êtes pas encore tout à fait là-bas et nous, nous ne serons plus vraiment ici comme avant. Nous ne sommes pas totalement séparés et chacun est changé. Maman vous disait, après vous avoir donné l’hostie le 25 décembre dernier : « Le Seigneur nous garde ensemble, pour toujours ». Et vous aviez, alors très faible, acquiescé lentement, yeux fermés, mains jointes.
Une page se tourne mais le livre est transmis, il restera ouvert. Á Aimer, à partager. Fidèles non dans l’adoration des cendres mais dans la transmission du feu. Fidèles, curieux et ouverts. Ces larmes sont de nous. Ce sang est le nôtre.
« Reste avec nous, car le soir approche…»
« Car pour vos fidèles, Seigneur, la vie change, elle ne finit pas »
Bienvenue a vous oncles, tantes, cousins, cousines, petits-enfants, bienvenue à vos familles et bienvenue à vous tous qui nous faites l’amitié d’être ici à Notre-Dame des Tables en ce jour. Toum, Étienne, oncle Étienne, grand Pa, Papa vous accepte, vous accueille, vous choisit même. Et vous aime.