Nous avons le regret de vous faire part du décès du général Jacques GIBOU, le 15 mai 2022, à l’âge de 83 ans.
Jacques Gibou, saint-cyrien de la promotion "Bir Hakeim" (1961-1963) avait choisi de servir dans l’infanterie métropolitaine. Il avait été, notamment, chef d’état-major et chef de corps des écoles militaires de Coëtquidan. Il était officier de la Légion d’honneur.
Les obsèques de Jacques ont été célébrées le 19 mai en l'église de Saint-Gély-du-Fesc.
Éloge du général Jacques GIBOU
par son camarade de promotion, le général de division 2s Jean-Louis BOUARD,
en l’église de Saint-Gély-du-Fesc le 19 mai 2022
Jacques,
Notre promotion est dans la peine et beaucoup de nos camarades, empêchés par l’âge, la maladie ou l’éloignement auraient souhaité te saluer fraternellement aujourd’hui. C’est donc en vertu de la tradition saint-cyrienne et de l’esprit de camaraderie qui anime l’ensemble de notre communauté militaire que je me fais l’interprète de tous pour t’exprimer notre affectueuse amitié.
Nous avons apprécié, en toi, l’homme de foi et de convictions, profondément humain et naturellement porté par une volonté de servir notre pays et son armée porteuse des vertus foncières d’un peuple aux quinze siècles d’Histoire.
C’est cet idéal de service qui constitua le fil directeur de ta vie et fit de toi un officier estimé, aux compétences reconnues, et un homme de cœur loyal et fidèle.
De ta carrière militaire je ne garderai que les aspects essentiels autour de trois grands domaines d’action dans lesquels tu as donné toute ta mesure : le commandement de la troupe, la formation des personnels et les travaux d’état-major.
Le commandement est une altitude ; commander était au cœur de ta vocation. Initié à Coëtquidan à la guerre de contre-insurrection, tu as su t’adapter, rapidement et avec intelligence, aux impératifs d’un conflit global, dont la perspective nous fut imposée par la guerre froide qualifiée, aujourd’hui, de « haute intensité ». C’est ainsi que chef de section au 1er RCP à Pau de 1964 à 1966, puis commandant de compagnie au 60e RI à Lons-le-Saulnier de 1971 à 1974, tu achèveras ton parcours de chef d’une formation opérationnelle comme colonel commandant le 150e RI mécanisé à Verdun de 1985 à 1987. Du parachute au véhicule blindé de combat d’infanterie, tu as couvert toutes les facettes de l’engagement du fantassin.
Dans les commandements, que tu as vécus intensément, tu t’es imposé, d’emblée, en homme de caractère mais aussi en homme de contact, à l’écoute de ses subordonnés et capable, par son exemple, de susciter l’adhésion et de fédérer les énergies.
La formation des cadres est un autre domaine dans lequel tu as donné le meilleur de toi-même. Dès 1966, en effet, après la première expérience vécue au 1er RCP, tu es affecté à l’ENSOA de Saint-Maixent, rapidement rejoint, d’ailleurs, par plusieurs camarades de notre promotion. L’instruction à conduire était méthodique et organisée autour d’une pédagogie active, que tu maîtrisais parfaitement, et tu as pu marquer de ton empreinte plusieurs promotions de jeunes sous-officiers que tu savais écouter avec bienveillance tout en exigeant d’eux rigueur et perfection dans l’exécution.
C’est avec un égal enthousiasme et le même souci du facteur humain que tu as contribué au perfectionnement des commandants d’unités à l’École d’application de l’infanterie de 1978 à 1981, au cours de quatre stages alternant tactique et technique, entrainement physique et formation à l’exercice de l’autorité. Chef de synthèse, tu étais apprécié pour tes jugements de bon sens et ton aptitude à te dégager de l’accessoire pour aller à l’essentiel.
Enfin, c’est à la tête d’un organisme de formation particulier, le Lycée militaire d’Aix-en-Provence, où tu as pris la suite d’un d’entre nous, que s’achèvera ta carrière militaire. Il fallait y trouver le juste équilibre entre une discipline adaptée à la jeunesse, les impératifs pédagogiques du corps enseignant et les attentes légitimes de parents enclins à l’indulgence. Tu sus trouver cet équilibre et maintenir la réputation de ce bel établissement.
Ton souci constant du facteur humain a pu s’exprimer, aussi, dans les responsabilités que tu as exercées en état-major.
Chef de la section « officiers » du bureau infanterie de la DPMAT de 1981 à 1985, ta mission était essentielle. On ne gère pas les hommes comme des matériels. Les contacts humains étaient fréquents et il convenait de concilier les souhaits formulés par les chefs de corps, les aspirations des personnels, les contraintes familiales et les parcours professionnels différents. Il fallait prendre le temps de l’écoute, faire preuve de discernement et éviter les jugements hâtifs pour réaliser le juste équilibre entre le bien du service et les intérêts individuels.
Chef d’état-major et chef de corps des Écoles de Coëtquidan, de 1987 à 1992, tu n’étais pas directement impliqué dans la conduite de la formation mais le commandement devait trouver la voie étroite entre une instruction militaire stricte, un enseignement académique en constante évolution, le poids de la tradition - dont il convenait d’éviter les débordements - et les interventions fréquentes de certaines autorités politiques ou médiatiques, toujours promptes à jeter le discrédit sur nos grandes écoles.
Par ton calme, la qualité de tes jugements et ton pragmatisme, tu fus un adjoint de qualité du général commandant les Écoles et tes avis ont, sans nul doute, contribué à l’évolution de notre système de formation initiale vers l’Académie militaire d’aujourd’hui.
À l’heure de la retraite, tu as su aborder ce nouveau chapitre de ta vie, sans nostalgie excessive mais avec le même souci d’ouverture aux autres et de compréhension de l’évolution du monde. Ton goût partagé avec Annick pour la musique classique et le chant choral, ta présence active dans la vie associative et paroissiale, ta participation habituelle aux randonnées pédestres et rassemblements traditionnels ainsi que quelques voyages à la rencontre d’autres civilisations ont comblé ton besoin de contacts et d’évasion.
Qu’il me soit permis, enfin, d’évoquer la place centrale qu’Annick et toi - vous étiez indissociables - avez tenu au sein de votre famille. Elle était pour vous le lien privilégié de l’amour partagé et de la transmission.
Au nom de notre promotion, élargie à l’ensemble de notre communauté militaire, et en mon nom personnel, je vous prie d’agréer Annick, Véronique, François, Pierre et tous les vôtres, l’expression de notre compassion et de nos condoléances émues et attristées.
Jacques, tu as servi pendant trente-six années dans la fidélité à ton idéal de Saint-cyrien. Général, officier de la Légion d’honneur et officier de l’ordre national du Mérite, tu es demeuré, jusqu’au bout, un homme de cœur, droit et loyal, pour qui l’autorité est un service.
Tu nous précèdes, maintenant, dans cette autre vie qui est au cœur de notre espérance. Adieu…