Éloge du général Jules BELGODÈRE

par le général de division 2s Jean-Louis BOUARD,

le 20 août 2020 en l’église de Buisson (Lozère)

 

Mon général,

 

D’autres que moi seraient, sans doute, plus qualifiés pour évoquer votre riche passé militaire. Je veux parler de vos camarades de la promotion « Général LECLERC », malheureusement affaiblis par l’âge et la maladie, qui auraient souhaité vous saluer, fraternellement, aujourd’hui.

C’est donc, en vertu de la tradition saint-cyrienne qui unit les générations, et de l’esprit de camaraderie qui anime notre communauté militaire que je m’adresse à vous avec une respectueuse affection.

Nous avons admiré, en vous, l’homme de foi, généreux et enthousiaste : foi en notre Seigneur, en notre pays, en son destin singulier, en son armée porteuse des vertus foncières d’un peuple aux quinze siècles d’Histoire.

C’est, sans doute, cette foi qui constitua le fil directeur de votre vie et fit de vous un chef militaire reconnu, un organisateur avisé et un homme de cœur.

 

Entré en 1946 à l’École spéciale militaire interarmes de Saint-Cyr, vous êtes affecté en 1949, en Tunisie, au 6e Régiment étranger avant de rejoindre le 3e Bataillon étranger de parachutistes en Algérie en 1950, d’où vous partez pour l’Indochine. C’est le début d’une longue période d’opérations au cours desquelles vous faites la preuve de vos remarquables qualités de tacticien et de meneur d’hommes. Plusieurs citations soulignent votre courage exemplaire, votre détermination et votre audace.

Le 31 janvier 1952, alors que votre point d’appui est violemment pris à partie de nuit, vous vous portez à l’observatoire le plus exposé de la position pour y conduire la manœuvre. Vous y êtes grièvement blessé, mais vous tenez à transmettre, avec élégance, les consignes utiles à votre successeur avant d’accepter votre évacuation. Vous donnez, ainsi, un exemple d’abnégation et de sang-froid digne des plus belles traditions de la Légion étrangère.

Après votre convalescence et trois années consacrées à la formation des personnels au sein de la 27e Division alpine, où vous êtes apprécié pour votre expérience opérationnelle et votre sens de l’humain, vous rejoignez l’Algérie comme capitaine commandant une compagnie de combat. Vous y donnez toute votre mesure et êtes apprécié comme un chef « ardent, dynamique et courageux, doté d’un remarquable sens tactique ».

Après deux années en métropole, vous retrouvez, à nouveau, l’Algérie, au sein de l’état-major du secteur d’Inkermann comme chef du 4e bureau, responsabilité dans laquelle vous vous distinguez par votre sens de la manœuvre, la rapidité et la précision de vos interventions.

 

C’est un même idéal de service, associé à de grandes qualités d’organisateur, qui vous font apprécier dans les diverses affectations qui vont suivre – hors théâtres d’opérations – à l’état-major de l’armée de Terre, au 46e Régiment d’infanterie de Berlin, à l’état-major de la 3e Division de Fribourg, à l’École d’application de l’infanterie puis, comme chef du 3e Bureau, à l’état-major de la 71e Division militaire de Marseille.

De 1975 à 1977, vous commandez, avec brio, le 3e Régiment d’infanterie de Radolfzell et êtes promu colonel le 1er avril 1977.

Directeur de cabinet du général commandant le 1er Corps d’armée et gouverneur militaire de Metz, vous êtes apprécié pour votre sens élevé des responsabilités et votre grande puissance de travail.

C’est en novembre 1981 que vous prenez enfin, à Montpellier, les fonctions d’adjoint au général commandant la 54e Division militaire territoriale avant d’être nommé général de brigade en 1984, dans la 2e section des officiers généraux.

 

Homme d’action, particulièrement apte au commandement, vous êtes toujours resté proche de vos subordonnés, officiers, sous-officiers, élèves-officiers de réserve, légionnaires et chasseurs alpins que vous avez marqués de votre personnalité, par votre rigueur et votre optimisme raisonné, ce sentiment créateur qui force l’adhésion et fédère les énergies. Ces dispositions d’homme de cœur, vous les avez manifestées, aussi, à l’heure de la retraite, par votre présence active et généreuse au sein des associations caritatives et de notre communauté militaire.

Qu’il me soit permis, enfin, d’évoquer votre place centrale au sein de votre grande et belle famille qui était votre joie et que vous sentiez unie comme elle l’est, aujourd’hui, pour vous entourer une dernière fois. À l’heure où la famille est, souvent, présentée comme un modèle social dépassé, vous nous offrez, Madame, Mon général, un exemple à suivre.

Au nom de notre communauté militaire, où vous comptez tant d’amis, et en mon nom personnel, je vous prie d’agréer, Madame, pour vous-même et tous les vôtres, l’expression de notre profonde compassion et de nos condoléances attristées.

 

Mon général, vous avez servi pendant près de trente-huit années, en fidélité avec votre idéal de Saint-cyrien. 

Commandeur de la Légion d’honneur, officier de l’ordre national du Mérite, détenteur de la Croix de guerre des théâtres d’opérations extérieurs et de la Croix de la valeur militaire, grièvement blessé au combat et sept fois cité, vous êtes demeuré jusqu’au bout un homme ardent, enthousiaste et rempli d’espérance.

Je me fais l’interprète de ceux qui vous entourent, aujourd’hui, et en union de pensée avec ceux que l’âge ou la maladie tiennent éloignés, pour saluer, en vous, le grand soldat et exprimer notre affection à l’homme de cœur.