Nous avons le regret de vous faire part du décès du général de division Terre/artillerie Émile PHILIP, le 9 novembre, à l’âge de 88 ans.
Le général PHILIP était issu de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr (promotion Union française 1952-1954).
Émile, hospitalisé il y a quelques temps, était revenu à la maison après son intervention chirurgicale. Il y a dix jours, des complications ont provoqué une évacuation aux urgences. Il était positif à la Covid-19 qui n’est toutefois pas à l’origine du décès.
Le 17 novembre, malgré les circonstances et les restrictions sanitaires, la famille et quelques amis ont pu accompagner Émile vers sa dernière demeure. Ils l’ont fait dans la dignité en lui rendant hommage avec simplicité.
La célébration religieuse a eu lieu à la chapelle du cimetière Saint Lazare à Montpellier et l’inhumation dans le caveau familial dudit cimetière .
Angèle était consciente que nous étions une toute petite représentation de leurs très nombreux amis et nous l’avons entourée de notre mieux pour lui communiquer notre chaleur humaine.
Éloge du général de division Emile PHILIP
par le général de corps d’armée 2s Guy BARASCUD,
ancien inspecteur de l’artillerie et président de l’Amicale des anciens du 64e régiment d’artillerie d’Afrique,
le 17 novembre 2020 à la chapelle du cimetière Saint Lazare de Montpellier
Cher Émile
Au moment de te dire Adieu, dans notre tristesse et notre peine, des milliers de souvenirs surgissent, de notre parcours militaire en partie commun, de notre amitié de ménage à ménage, de cette intense vie associative autour du 64 dont tu étais l’infatigable organisateur depuis près de 30 ans.
Ta riche et belle carrière de soldat, de chef et de scientifique est, avec le courage, le fruit du travail et de la constance de l’effort autour de fortes convictions. Elle peut servir d’exemple à des jeunes d’aujourd’hui parfois sans boussole et à la volonté fluctuante
Tu étais né à Montpellier le 27 mai 1932 d’une famille bien implantée localement et tu te considérais toi aussi comme l’un de ces "barons de Caravètes", montpelliérains depuis plusieurs générations.
Ta scolarité se déroulera ici, entre l’école Gambetta, le grand et le petit lycée, au sein duquel tu prépares le concours des grandes écoles. Elle ne sera heureusement pas interrompue par la guerre, même si tu échappes de très peu à la mort lors d’un bombardement de Montpellier à l’été 1944.
En 1952, tu es reçu à Saint-Cyr, promotion "Union Française" et à l’issue de ta formation d’officier, tu choisis l’artillerie, l’arme dite "savante" pour l’emprunt qu’elle fait aux calculs balistiques : un domaine qui correspond tout à fait à ta passion des mathématiques.
Tu vas te former dans les spécialités de l’artillerie pendant deux années, de 1954 à 1956, à Châlons-sur-Marne et Nîmes, nos deux capitales de l’arme à l’époque.
Surprise pour toi, ta première affectation en régiment est dans l’infanterie au soleil d’Agadir pour des missions de maintien de l’ordre…
Récupéré heureusement par ton administration d’origine, tu rejoins celui qui sera notre régiment de cœur, le 64e régiment d’artillerie d’Afrique. Tu es affecté au Groupe de Kasba Tadla au centre du Maroc : le bled, la chaleur écrasante mais le réel apprentissage du métier dans les champs de tir du Moyen Atlas.
C’est avec cette unité que tu passes en 1958 du Maroc à l’Algérie en guerre. À partir de tes positions de Kabylie tu vas appuyer avec tes canons toutes les opérations du secteur et obtiendra deux citations. Au cours de permissions en métropole tu fais la connaissance d’Angèle, une Montpelliéraine aussi… vous aurez bientôt trois enfants et par la suite quatre petits-enfants.
À partir des années 60 ta carrière prend une orientation plus technique, d’abord par un stage "radar" à l’École supérieure technique des transmissions à Pontoise puis par un temps de commandement de capitaine à la tête d’une batterie de repérage du 25e d’artillerie de Thionville.
À l’issue, tu es admis à l’Enseignement militaire supérieur scientifique et technique (EMSST) à l’École militaire à Paris. Tu acquiers là des compétences de haut niveau au contact d’enseignants prestigieux et du monde de l’industrie de la défense.
En 1970, tu es nommé directeur du cours supérieur d’engins missiles puis suit l’enseignement de l’École supérieure de guerre (ESG).
Retournant dans la troupe, c’est désormais un séjour alsacien à Illkirch-Graffenstaden comme commandant en second du 12e régiment d’artillerie.
En 1975 tu reçois une seconde affectation à Paris, au bureau "études" de l’EMAT au sein duquel, cher Émile, nous aurons la joie de travailler ensemble à l’avenir de notre arme et de nouer des relations quasi familiales.
Promu colonel, tu prends le commandement en 1978 du 40e régiment d’artillerie stationné en Champagne, un poste de responsabilité et de prestige, envié dans une carrière.
Troisième retour à Paris en 1980. Tu vas exprimer cette fois toute ton expertise notamment comme conseiller du chef d’état-major de l’armée de Terre, puis comme directeur adjoint de la Section technique de l’armée de terre (STAT). Tu auras l’occasion, dans ce poste, d’effectuer des missions d’expertises sensibles, en particulier en Irak.
Nommé général de brigade en 1986 puis général de division en 1989, tu es affecté à la tête de la 32e division militaire territoriale de Basse-Normandie à Caen et tu as l’honneur, sur ses plages, de recevoir les plus prestigieux chefs d’État à l’occasion des commémorations du débarquement de 1944.
Fin 1989, tu rejoins Montpellier et la 2e section des officiers généraux.
Tu vas adhérer aussitôt à l’ANOCR (association nationale des officiers de carrière en retraite) et avec Angèle vous participerez à toutes les activités, en particulier ces marches conviviales dans la garrigue où tous se souviennent d’un camarade ouvert et très sympathique.
Mais c’est au sein de notre association des anciens du 64e régiment d’artillerie d’Afrique que tu vas t’engager à fond.
Vice-président et secrétaire général de cette grande famille de 250 adhérents dispersés dans tous les départements, tu réussiras à maintenir des liens avec et entre tous, organisant près de trente voyages ou réunions annuels dont sept à l’étranger ainsi que les ravivages annuels de la Flamme sur la tombe du soldat inconnu par notre association régimentaire.
Merci de tout cœur, Émile, au nom de tous nos anciens, des épouses et des veuves pour ton dévouement, ta disponibilité et ton souci de chacun.
Après le rappel de ton parcours voici la liste impressionnante de tes titres : tu es officier de la Légion d’honneur et de l’ordre national du Mérite et titulaire de la croix de la Valeur militaire avec deux citations.
Tu as deux certificats de mathématiques, physique et chimie, le brevet supérieur de détection électromagnétique, le diplôme technique et le brevet technique de l’EMSST, le diplôme de l’école d’état-major et le brevet de l’ESG et le diplôme d’ingénieur de l’armée de Terre, spécialité "engins missiles".
Que tes mérites ainsi rappelés nous aident à entretenir ta mémoire, celle d’un père, d’un époux, de tous tes amis frères d’arme qui saluent avec moi un camarade particulièrement attachant et que nous n’oublierons pas.
À toi Angèle et à tes enfants, Jean-François, Florence, Nathalie j’adresse au nom de tous ceux que je représente ce matin, avec mes sincères condoléances et notre compassion, un message de réconfort et notre promesse de soutien.
À Dieu Émile, merci pour tout. Continue, là où tu es, de nous adresser ces passe-temps et "récréations mathématiques" amusants dont tu savais à l’avance avec un peu de malice que nous n’en trouverions pas plus la clé que celle du théorème de Fermat ou celle de la destinée humaine.
Papa, Cher Papa,
Lorsque je t’ai vu en septembre et que nous nous sommes dit au-revoir, nos regards ont réciproquement compris que nous nous disions adieu. Malgré cela, je n’étais pas prête ; je pense qu’on ne l’est jamais. Depuis quelques années, tu n’abreuvais plus nos repas de tes monologues scientifiques. Je t’avouerai que cela ne me manquait pas mais signifiait que tu n’étais plus le même. J’en étais très peinée car autant je pouvais accepter que tu sois diminué physiquement autant je vivais très mal ta diminution intellectuelle.
Toutefois, lorsque je t’ai amené à l’hôpital cet été, tu avais encore bien présent en tête ton meilleur ami « PI 3,14159265359 » que tous ceux qui t’ont côtoyé ne peuvent que connaitre et que tu récitais telle une ritournelle. L’ambulancière t’a prévenu qu’elle allait tourner le fauteuil sur lequel tu te trouvais et là tu lui as demandé : « vous allez tourner à PI/2 à PI/4 dans le sens trigonométrique ou non ? » Elle t’a bien évidemment fait répéter car elle pensait avoir mal entendu ; je t’ai demandé de t’arrêter car tout le monde dans la salle d’attente se demandait de quoi tu pouvais bien parler. Les mathématiques, la physique, ton crayon papier, les petits plats de maman, tu n’avais pas besoin de grand-chose.
Aujourd’hui, tu nous quittes après avoir perdu la bataille, toi qui étais un gagnant. Tu quittes maman, compagne de vie de presque 60 ans. Elle t’appelait Minet, je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce que tu avais les griffes bien acérées ? Tu quittes Batou, ton petit fils qui t’adore et qui a tant de chagrin aujourd’hui. Tu quittes Val avec lequel vous vous êtes tellement disputés téléphoniquement lors d’échanges mathématiques. Il raccrochait et il disait « il ne comprend rien Papy ! » Tu quittes Antoine et Victoria que tu n’as pas assez connus. Tu quittes tes enfants mais sois assuré que nous nous occuperons bien de maman. Tu quittes tous ceux qui t’ont connu et que tu ne pouvais pas laisser indifférents.
Tu nous as appris, avec maman bien sur, des valeurs essentielles que je pensais universelles mais la vie m’a appris qu’elles étaient rares : Moralité, honnêteté intellectuelle, tolérance oui tolérance, cela peu paraitre étrange te connaissant mais tu l’étais. Tant d’autres valeurs encore. Je les ai, je pense, transmises à mes enfants. Que de compliments je te fais ! Pour autant, tu n’étais pas un homme « commode » mais c’est comme cela que tu étais et comme cela que je t’aimais.
Je garderai de toi l’image d’un certain juillet 1989 à Caen quand tu as arrêté ta carrière. La photo est depuis cette époque derrière la glace de la cheminée du salon à Paris. Pour finir et te dire adieu, je lirai ce poème de Jean d’Ormesson qu’une personne très proche m’a communiqué.
Florence
« À la naissance, on monte dans le train et on rencontre nos parents.
Et on croit qu’ils voyageront toujours avec nous.
Pourtant, à une station, nos parents descendront du train,
nous laissant seuls continuer le voyage…
Au fur et à mesure que le temps passe,
d’autres personnes montent dans le train.
Et elles seront importantes : notre fratrie, nos amis, nos enfants,
même l’amour de notre vie.
Beaucoup démissionneront (même éventuellement l’amour de notre vie),
et laisseront un vide plus ou moins grand.
D’autres seront si discrets
qu’on ne réalisera pas qu’ils ont quitté leurs sièges.
Ce voyage en train sera plein de joies, de peines, d’attentes,
de bonjours, d’au-revoirs et d’adieux.
Le succès est d’avoir de bonnes relations avec tous les passagers
pourvu qu’on donne le meilleur de nous-mêmes.
On ne sait pas à quelle station nous descendrons,
donc vivons heureux, aimons et pardonnons.
Il est important de le faire car lorsque nous descendrons du train,
nous ne devrons laisser que de beaux souvenirs à ceux qui continueront leur voyage.
Soyons heureux avec ce que nous avons et remercions le ciel de ce voyage fantastique.
Aussi, merci d’être un des passagers de mon train.
Et si je dois descendre à la prochaine station,
je suis content d’avoir fait un bout de chemin avec vous. »
Jean d’Ormesson
Éloge à mon grand-père
Pour rendre hommage à mon grand-père, grand amateur des mathématiques et généreux de son savoir en la matière (nous l’avons tous vécu au moins une fois), j’ai décidé d’organiser mon discours sous la forme d’une démonstration mathématiques. Les mathématiques demandent rigueur, application et fermeté, des qualités que mon grand-père avait et qu’il a su me transmettre. Il existe de nombreuses manières de faire une démonstration en mathématiques, mais n’étant pas un grand expert en la matière, je vais me contenter d’utiliser ici le raisonnement déductif.
Ce raisonnement consiste à partir d’une hypothèse de départ (une affirmation générale) pour en arriver à une conclusion particulière. Qu’est-ce que je veux prouver ici ? En fait rien, je n’ai pas besoin de me prouver à moi-même tout l’amour que j’avais pour mon grand-père ni tout ce qu’il représentait pour moi, mais j’aimerais que lui, là où il est, puisse l’entendre une dernière fois. Je vais donc ici tenter de vous démontrer et de lui démontrer tout ce qu’il a fait pour moi et à quel point il a marqué ma vie passée et marquera ma vie future.
Comme le veut le raisonnement déductif, je vais partir d’une hypothèse, d’une affirmation générale connue de tous : un grand-père est aimé par ses petits enfants. Cette hypothèse est assez conservatrice et personne ici ne pourra la remettre en question, c’est donc je pense un bon point de départ. Ensuite, toujours dans la lignée d’un raisonnement déductif, il faut que je fasse l’affirmation suivante afin d’arriver à ma conclusion : Papi était et il est encore mon grand-père. Bien sûr cette affirmation est évidente ne serait-ce que par les liens familiaux qui nous unissent, mais j’aimerais ici prouver à quel point en dehors de ces liens familiaux hérités et non choisis il a lui-même décidé de s’imposer comme MON grand-père, comme une figure paternelle, comme un modèle.
Mon grand-père c’était celui que venait me chercher à Paris en train pour ensuite descendre à Montpellier pour les vacances et qui voulait toujours avoir une place dans le sens de la marche.
Mon grand-père c’était celui qui me racontait des histoires sur les lapins qui vivaient près de la route de Carnon. Mon grand-père c’était celui qui m’emmenait faire des tours tous les soirs après avoir jeté les poubelles. Certains d’entre vous connaissent sûrement Malevo, le chien qui nous aboyait dessus à chaque fois que nous passions à côté de lui.
Mon grand-père c’était celui qui dès qu’il croisait un chien dans la rue s’écriait « Attention à la bête », et effrayait les pauvres petites mamies.
Mon grand-père c’était celui qui avec mon frère nous emmenait faire des tours de vélo (un grand amateur à la matière).
Mon grand-père c’était même celui avec qui j’ai pu quelque fois jouer au foot à la Roze.
Mon grand-père c’était celui qui venait tous les 11 novembre à Paris pour raviver la flamme du soldat inconnu et qui par la même occasion dormait souvent dans la même chambre que moi. Je peux donc témoigner de sa grande capacité à dormir très rapidement et dans n’importe quelle condition.
Mon grand-père c’était celui qui m’emmenait jouer au foot avec mon cousin à toutes les vacances peu importe l’heure et le temps.
Mon grand-père c’était celui qui regardait le foot à la tv mais s’endormait avant le début de la seconde mi-temps, je ne pense pas que le foot l’intéressait au plus haut point mais il aimait passer des moments avec nous.
Mon grand-père c’était celui qui savait tout, en tout cas c’est ce qu’il disait (Quand je disais "Mais papi comment tu sais ça ?", il répondait "Je suis monsieur je sais tout").
Mon grand-père c’était celui qui ne se laissait pas faire, il valait mieux ne pas le doubler à 55 km/h sur la route. Car dans ce cas-là, code de la route ou pas tu ne passeras pas.
Mon grand-père c’était celui qui parlait de mathématiques tout le temps et faisait des blagues que lui seul pouvait comprendre mais que j’ai moi aussi appris à comprendre ("Coupe moi un bout de tarte en 𝜋 4 et surtout dans le sens trigonométrique hein").
Mon grand-père c’était celui qui nous racontait ses histoires de guerre en Algérie, souvent les mêmes d’ailleurs, mais comment s’en lasser ?
Mon grand-père c’était celui qui était fier de ce qu’il avait accompli, de son parcours, de ses médailles et de sa famille.
Mon grand-père c’était celui qui même jusqu’il y a un an m’achetait une bouteille de coca systématiquement quand je venais manger avec lui.
Mon grand-père c’était celui qui aimait se balader à Sète, à Palavas. Je me rappellerai toujours du jour où il m’a emmené prendre une bière sur les quais de Palavas. Ce n’était pas il y a très longtemps, il voulait partager des moments avec moi, différents de ceux que je viens de présenter car j’avais grandi.
Mon grand-père c’était celui qui me racontait toujours, depuis mon entrée à l’EPF que pendant ses études il avait fait un stage chez MATRA et qu’il y avait une fille ingénieur de l’EPF qui malgré le fait que c’était une fille était vraiment forte quoi.
Mon grand-père c’est celui qui même dans les pires moments arrivait toujours à faire une blague. Toujours sur les maths bien sûr. Pour tout cela, je pense vous avoir convaincu qu’il n’était pas un simple lien familial mais un vrai modèle, une source d’inspiration qui m’aura transmis tant de choses et de valeurs. J’ai ici cité ce qu’il était pour moi par des exemples de la vie, il y en a tellement d’autres ….
Mais il me faudrait bien plus que cet éloge pour vous les conter tous. Je pense donc en être arrivé à la conclusion de ma démonstration mathématique : - Papi, mon grand-père était aimé par ses petits-enfants, par moi. Je m’excuse d’ailleurs auprès de lui pour cette démonstration peu rigoureuse mais qui je le pense vient du cœur. J’ai eu l’occasion de le voir une dernière fois à l’hôpital avant qu’il ne parte où je suis resté longuement avec lui à lui raconter nos histoires et à lui dire à quel point il comptait pour moi. Il était inconscient mais j’aime à penser qu’il m’a entendu.
Mon grand-père me rendait fier et j’espère l’avoir rendu fier à mon tour. Papi tu n’es plus là mais je t’aime et je le dis au présent car sache le je t’aimerai toute ma vie.
Baptiste