Cette mise à l'honneur est un peu particulière. Mais en cette année de centenaire de l'armistice du 11 novembre 1918, nous avons pensé qu'elle avait toute sa place sur notre site.
Nous avons retranscrit ci-dessous le témoignage écrit par un "poilu" de 20 ans (qui épousera plus tard notre doyenne Louise BROUSSOUS, 106 ans).
Né le 5 avril 1898, Sylvain BROUSSOUS est incorporé, comme jeune soldat, au 7e bataillon de chasseurs à pied et participe aux actions de son unité. Le 11 novembre 1918, il adresse à ses parents la lettre suivante :
Mes chers Parents,
Au bon moment où nous nous préparions à remonter en ligne – nous n'en étions d'ailleurs qu'à un kilomètre – on nous apprend que les opérations pour la 13e Division ont été suspendues, Nous avons su, un instant après, que les hostilités se terminaient à 11 heures,
Inutile de vous décrire le revirement soudain qui s'est produit, chacun donnait, librement cours à sa joie débordante, Les territoriaux qui nous ravitaillaient n’étaient pas les moins heureux, Enfin ! Depuis quatre ans, disaient-ils,
Pour ma part ma joie était aussi bien grande mais je n'ai pu m’empêcher de penser aux pauvres camarades que j'ai connus et qui criblés par les balles boches ne sont plus, Qu'on se fasse une idée de ce qui va se passer chez leurs parents qui, fiers aujourd'hui à l'annonce de la fin du pire des fléaux, recevront demain le mortuaire de leurs fils, Et ceux-là seront malheureusement nombreux, trop nombreux hélas !
Le Bataillon a eu quarante-deux tués lors du dernier engagement, il était loin d'être à son effectif normal, De la compagnie en ligne nous ne restions plus que vingt-trois,
J'ai jusqu'ici la satisfaction personnelle d'avoir toujours fait mon devoir, aussi je suis loin d'avoir quelque chose à me reprocher,
Je ne vous décrirai pas, aussi la joie des habitants que nous délivrions tous les jours. Aujourd'hui en défilant devant eux, ils étaient là – les hommes – tête nue et on lisait leur émotion dans les saccades que leur bras tremblotant donnait à leur chapeau... Au beau milieu du discours prononcé par le Colonel, on n'a pas pu s’empêcher de crier – Vive la France ! – Quoi de plus impressionnant !
Actuellement nous sommes à Charleville. Un pont nous sépare seul de Mézières. Nous irons surement occuper dans quelques jours quelques pays d'Alsace. Je vous renseignerai mieux dans quelques temps.
Je crois bon d'ajouter que je viendrai sans doute vers la fin du mois en perme.
André est-il rentré au collège ? La santé est-elle bonne chez nous ?
Bons et affectueux baisers.
Après la guerre, Sylvain BROUSSOUS s'engagea dans l'armée et fit carrière (Algérie, Indochine, France) ; son épouse Louise vient de fêter ses 106 ans. Cette copie de lettre, émouvante, nous a été très aimablement communiquée par sa fille, madame Geneviève MARRE.
Ci-dessous le lien vers la lettre originale.